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Photo du rédacteurLaure Gombault romancière

Écrire est une aventure

Quand j’écris, j’ai besoin d’entrer dans un cœur qui bat. La difficulté c’est de partager son émotion dans les mots, atteindre le mot juste, sans en faire trop. Montrer plutôt que décrire. Le texte ne doit rien prouver, seulement faire sentir. J’aime cette citation de Jules Renard « travailler à un roman en pleine humanité ». Il faut beaucoup écrire pour savoir écrire, c’est un long apprentissage. Je me sens bien loin de l’artisan qualifié, mais chaque nouveau roman m’apprend quelque chose. Trouver sa singularité, c’est un long tâtonnement et ça ne s’arrête jamais. Ça se confond avec soi, on prête à des personnages les mots pour arriver à soi. Et parfois, on sent ça, c’est la voix qui se tait d’habitude. Ça vient d’une énergie d’avant le langage, comme interroger sa part d’ombre. Il y a de la résistance, et une forme d’impudeur qui fait peur. Je ne veux pas regarder mes personnages, je veux être mes personnages, et pourtant, je ne fais pas ou très peu ce qu’ils font dans la vie. Par contre, je peux ressentir ce qu’ils ressentent. Ce sont comme des compagnons d’existence, et d’ailleurs quand je quitte un roman, quand j’ai fini, mes personnages restent toujours des amis, quelque part, des amis qui habitent loin, mais que je n’oublie jamais. Je crois qu’écrire c’est trouver sa place, ou tenter de la trouver, on est toujours un peu en exil dans l’écriture, c’est la solitude de l’exil. L’exil de la page blanche. Parfois, il faut beaucoup de temps pour cheminer dans les mots, et d’autres fois, les pas s’accélèrent, et puis on court. Rien n’est jamais prévisible, c’est ce qui rend l’aventure excitante. On croit qu’on va quelque part et on arrive le plus souvent à une autre destination. On croit aussi deviner les réactions de ses personnages et ils vont là où on ne les attendait pas.

En ce moment, mon personnage principal s’appelle Colette. Elle m’énerve un peu, mais je l’aime bien. C’est une femme qui n’a pas confiance en elle, comme beaucoup de mes compagnons de papier, mais elle est touchante, elle ne se résigne pas. Elle ne sait pas encore comment elle va se sortir de son histoire, elle me donne beaucoup de fils à retordre. Elle hésite, elle se bat contre son addiction à la nourriture, elle compense ainsi le vide en elle, vous verrez pourquoi, car elle porte en elle une blessure d’il y a quinze ans, un choix qu’elle a pris par loyauté. Un mauvais choix. J’espère vous la présenter cet hiver, et que vous aussi, comme moi, vous vous attacherez à elle.

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